(un réseau à Paris et Ile-de-France réunit les familles
vivant en instruction en famille, aller sur le site de l’école Delavie https://lecoledelavie.org.)
Habitant à
Paris et souhaitant expliquer notre choix, nous étions sollicités par les
journalistes. Voici leurs questions fréquemment posées et nos réponses. Comme
c'est un peu long, j'ajoute au début un petit paragraphe avec l'essentiel.
(Version très
courte)
Pourquoi
ne scolarisez-vous pas vos enfants ?
Claudia - Il y
a plusieurs raisons bien sûr. La plus importante est que nous voulons
respecter leur rythme de vie, le temps des jeux de l'enfance qui nourrit
l'imaginaire et la confiance en soi (quand on a eu du temps pour se
connaître, pour explorer à son rythme).
Ce temps
agréable et tranquille qui fondera leur appétit de vivre et de découvrir est
permis par la grande efficacité de l'apprentissage à "l'école de la
vie" ; -), et c'est notre deuxième raison : on apprend bien mieux
lorsqu'on est prêt pour un apprentissage et qui mieux que l'enfant peut le
savoir ? Quand l'enfant pose une question, il a besoin d'une pierre pour
l'édifice qu'il construit jour après jour en observant le monde, et la
réponse qu'on va lui donner s'insèrera directement dans son édifice. Il
n'aura pas eu à passer 6 heures par jour à rabâcher un savoir qui ne fait pas
forcément sens pour lui.
Enfin, nous
privilégions des valeurs de coopération, d'empathie, d'échange qu'on trouve
peu dans les écoles qui servent in fine à sélectionner une future
élite persuadée, au fil des années scolaires, de sa légitimité à décider pour
les autres. Nous souhaitons préserver chez nos enfants le sens de leur
autonomie et de la débrouillardise.
(Version très
longue)
COMMENT TOUT A COMMENCE
Comment
en êtes-vous venus à faire l'école à la maison ?
Claudia - Je n'aime pas cette expression : je ne veux faire ni
école ni à la maison. Il n'y a pas de temps ni de lieu particulier pour
apprendre puisque nous souhaitons suivre les demandes de nos enfants.
Fredy - Apprendre est une affaire intime
comme respirer, activité que personne ne nous apprend, que personne ne peut
faire à notre place. Cela concerne son propre corps, sa propre vie, l'image
qu'on se fait du monde.
Claudia - Même IEF (instruction en famille)
qui est devenu le vocable le plus communément employé ne nous convient pas
entièrement : "instruction" définit une
catégorie d'apprentissages (en général abstraits, formels, promus par
une intention parentale ou sociale) au détriment des innombrables autres
informations et qualités que les enfants absorbent en vivant : est-ce qu'être
capable d'empathie relève de l'instruction ?
Et puis cette absorption ne se limite pas à la famille.
J'utilise souvent non-sco,
mais il est perçu comme se définissant en négatif (ainsi que unschooling).
Certains promeuvent vivre
ensemble que j'ai longtemps apprécié... Mais une amie,
dernièrement, a frémi, parce que son père mettait trop de pression
sur le fait de bien vivre ensemble, bien communiquer et qu'on
n'a pas nécessairement envie d'être tout le temps ensemble. Alors : Vivre ?!
Ca va être pratique !
Le récent "livre bleu" de Led'a
semblait trouver un terme acceptable. Il est intitulé : "Apprentissage auto-géré
et instruction à la maison".
Fredy - On
gère son argent, sa carrière, pas ses envies ni ses connaissances.
Effectivement il est difficile de trouver un mot pour des apprentissages de
fait omniprésents dans la vie des enfants, qui ne se limitent pas à un
espace, un temps et une forme particulière.
Claudia - Alors : apprentissage
autonome ?
Fredy - Mais
l’apprentissage ne peut qu’être autonome (sinon c’est du dressage). Je
précise que nous ne sommes pas contre les maîtres ni la maîtrise. Mais c’est
à celui qui est en train d’apprendre de décider qui et quoi imiter –puisque apprendre c’est d'abord imiter, interpréter,
adapter.
Donc,
comment en êtes-vous arrivés à ne pas scolariser vos enfants ?
Claudia - Chez nous c'est le papa qui a pensé à la non-scolarisation
dans les jours qui ont suivi la naissance de notre ainée Auriane. En
réfléchissant à tout ce que son arrivée impliquait, Fredy en est arrivé à
penser à l'école. Et là il a cherché (et toujours pas trouvé) de bonnes
raisons de l’envoyer à l’école.
Et pourtant j'en ai
cherché ! Car malgré le fait que j'avais rencontré l'idée de la
non-scolarisation sur le forum MagicMaman lorsque Auriane avait un an (avec des mères non-scolarisantes qui avaient des arguments ô combien
convaincants par rapport à leurs détracteuses
hostiles), je n'étais pas complètement d'accord.
Quelles
étaient vos réticences à vous ?
Claudia - Mes réticences étaient de trois ordres : d'abord
j'avais l'impression que j'allais priver mes enfants des merveilleux
bricolages que les maitresses si inventives organisent pour les enfants de
maternelle. D'autant plus que, dans le cadre de mon travail de l'iufm,
je visitais alors de temps en temps des stagiaires dans des écoles
maternelles dont les murs étaient tapissés de belles créations. N'ayant pas
l'âme bricoleuse, je ne m'y suis guère mise. Mais petit à petit, sans rien
faire de particulier (à part mettre à leur disposition un peu de matériel),
j'ai découvert que les enfants inventaient beaucoup elles-mêmes. Chaque jour
elles créent quelque chose, des constructions avec des matériaux de
récupération, des coloriages découpés, plein de petites choses, peut-être pas
aussi esthétiquement abouties que ce que j'avais vu dans les écoles, mais
c'est leur œuvre à elles.
Et puis dans le réseau des mamans non-sco
francilien, certaines ont plein d’idées, nous allons chez elles pour
bénéficier de leur inventivité dans un esprit d'échanges.
Ma seconde réticence
: je ne voulais pas priver mes enfants des plaisirs de la récréation. Certes
il est facile d'inviter un ou deux enfants pour jouer, mais comment avoir ces
10-15 enfants qui permettent d'autres types de relations, d'autres jeux,
d’autres émulations ? Ca
a été ma principale motivation pour organiser des sorties autour d'ateliers,
avec de plus en plus d'enfants. Les ateliers et animations que je réserve
sont secondaires pour moi, je les considère comme des spectacles plaisants que
je propose à mes enfants (sans attente de résultats). Ce qui compte c'est ce
qui se passe après, quand ils courent tous ensemble dans le parc.
Fredy - Le
fait d'aller à l'école, de ne pas être maître de ses connaissances et de la
façon dont on les organise, est un prix trop fort payé pour avoir deux fois
20 minutes de récréation. J'ai dit à Claudia que si elle voulait des
récréations, elle pouvait les organiser. Néanmoins je pense qu'on a besoin
d'être recréé uniquement si on a été défait, démoli…
Claudia - D'accord : je cherchais en fait
moins des occasions de récréation que simplement de jeux entre enfants. En
réfléchissant j'ai d'ailleurs réalisé que mes bons souvenirs de jeux
d'extérieur étaient bien moins liés à l'école qu'au petit lotissement où j'habitais
et aux séjours avec mes nombreux cousins.
Enfin je savais que la
non-sco allait nous priver de l'insertion dans le quartier que facilite
l'école. Finalement notre insertion se fait à l’échelle de
l'Ile-de-France ; d’autre part on peut habiter près d’un centre
d’animation/MJC ou d’un square qui constituent des lieux de sociabilité de
quartier.
Justement,
et la socialisation ?!
Claudia - C'est étonnant à quel point "la
socialisation" est l'une des premières réactions de tout le monde, comme
si c'était une réponse récitée plutôt que réfléchie. Je pense que nos enfants
sont sociables -état
de fait- et non "socialisés" : la forme du mot montre un processus qui
n'est pas spontané. Pour moi ça signifie seulement que les enfants
"socialisés" ont intégré les valeurs négatives implicites
dominantes de la société (d'une certaine société)
Je prive donc exprès mes enfants de cette socialisation
délétère à mon sens. Je ne veux pas de cette transmission de la hiérarchie,
de la compétition (aggravée par le côtoiement avec 30 enfants du même âge,
situation artificielle), de l’acceptation des jugements du chef voire de
l'humiliation*, des relations basées sur les rapports de force, du fait de
devoir supporter une situation désagréable qu'on n'a pas choisie, des
phénomènes de groupe (moquerie, rejet), du recours à un spécialiste plutôt
que la confiance faite à soi-même, du travail solitaire (on est puni si on
copie), du travail laborieux.
Ces comportements-là existant dans la société,
nos filles les découvrent avec un dosage fonction de leur perception du monde
et avec notre accompagnement. Cela m'attriste néanmoins que la grande
majorité des personnes qu'elles côtoieront auront eu à absorber cette
socialisation qui semble aller de soi dans la vision du monde de beaucoup
d'adultes : "Il faut s'habituer tôt aux contraintes", "On ne
fait pas toujours ce qu'on veut".
Fredy - Je prétends
pour ma part que l’on fait ce qu’on veut ! Soit car on en a la volonté,
soit car on ajuste sa volonté à ce qu’on croit possible. Dans les deux cas,
c’est quelque chose que je veux transmettre à mes enfants.
Claudia - La sociabilité s'acquiert
par la vie avec les autres où l'on attend son tour, on n’interrompt pas, on
fait attention aux autres, on arrive à l'heure, on absorbe la gentillesse et
la courtoisie de son entourage. D'ailleurs les enfants récemment
déscolarisés ont besoin de quelques mois pour se poser ; pendant un temps on
les voit encore facilement agressifs ou moqueurs, mettant en scène une
maîtresse autoritaire ou des camarades compétitifs.
D'ailleurs, il
semble que les écrits de Bourdieu aient eu un effet pervers en matière
d'enseignement du français au collège. Le sociologue ayant mis en avant
l'importance du contexte culturel familial dans la réussite des élèves à
l'école, les nouveaux programmes des années 1990 ont développé un
"enseignement scientifico-jargonneux qui a
rompu avec toute notion de plaisir", notamment par "un égalitarisme
mal compris, sous prétexte de ne pas sélectionner les élèves en français sur
le niveau culturel de leur famille. C'est un raisonnement absurde mais qui
existe encore : plus on technicise la langue, plus on rend les gens égaux. Si
vous ne posez que des questions techniques, en ayant complètement morcelé un
texte de Chateaubriand ou de Diderot, alors tout le monde est à égalité. Mais
c'est une égalité dans la sècheresse" (Erik Orsenna dans La grammaire
est une chanson douce, cité par Kristin Merlin dans Les Plumes de Laia).
Au delà de toutes les raisons de forme et de fond quant à la décision
de ne pas scolariser, la raison la plus profonde est que je ne veux pas que
mes enfants apprennent à obéir. J'aimerais qu'elles agissent par coopération,
empathie et connaissance de soi, pas par obéissance.
* André Giordan parle de cette transmission
implicite dans le Café
pédagogique du 5.11.2009.
Pourquoi
ne les avez-vous pas inscrites dans une "école différente" ?
Claudia - Malgré leur coût, je me suis un peu renseignée sur les
écoles Montessori, qui au delà de certains
avantages (âges mélangés, pas d’obligation, beaucoup d'activités manuelles)
me paraissent être taillées pour des cadres dynamiques pressés qui n'ont pas
le temps de vivre avec leurs enfants. En effet si on laisse faire son
enfant, il va vouloir renverser le contenu d'un verre dans un autre,
boutonner ses vêtements, faire ses lacets. Pas besoin à mon sens d'organiser
artificiellement des plateaux de travail et une cérémonie chuchotante
où les enfants n'interagissent pas. Mieux vaut écouter son enfant lorsqu'il
veut absolument nous aider à couper le concombre. Et lui donner un couteau
qui coupe, c'est moins dangereux ! (car il
n'aura pas à forcer).
La pédagogie Steiner
semble avoir des aspects sympathiques (une amie a pu rester plusieurs mois
dans la classe de sa fille de 3 ans qui ne voulait pas qu'elle parte, la
communauté de l'école semble chaleureuse, les bricolages basés sur les
saisons ont du sens) mais cela reste une école, avec des rythmes d'école,
certains dogmes rigides.
J’ai réalisé
récemment que certains pensent que nous choisissons la non-sco par défaut,
par manque d'école alternative respectueuse des enfants dans notre coin. Ce
n’est pas notre cas, notre motivation première est de laisser nos enfants
moteurs de leurs apprentissages.
Et
jusqu'à quand ne seront-elles pas scolarisées?
Fredy - Jusqu'au 12 décembre 2022 ! La question du temps
(de faire des choses) ne se pose pas pour moi. Cette question du
"jusqu'à quand" présuppose que l'école reste l'horizon indépassable
de toute éducation –avis qu'on peut ne pas partager.
Claudia - Pendant longtemps je répondais que
je les voyais bien entrer en seconde au lycée, comme je l'avais lu dans des
témoignages (par exemple au lycée autogéré de Paris). Ayant connu le collège de l'intérieur, je considère
que c'est une étape à éviter : nombreux enseignants souvent peu impliqués,
contrôle permanent du travail et du lieu où se trouvent les enfants, âge
fragile où les enfants se défendent mal face à l'agressivité. A 15-16 ans en
revanche, je pensais que c'est un moment où les copains comptent davantage,
en seconde les élèves forment un groupe nouveau où les amitiés sont à recréer
pour tout le monde, et l’on a une idée plus précise de ce que l'on souhaite
étudier.
Mais via Led’a j'ai rencontré
plusieurs ados (une dizaine) qui ne voyaient pas l'intérêt de bachoter pour
obtenir un diplôme sans sens à un moment où ils ont une idée assez précise de
ce qu'ils veulent faire plus tard (informatique, design, animation avec les
enfants) : alors les stages, une école de spécialisation (danse,
théâtre) sont une voie satisfaisante pour commencer à travailler et gagner de
l'argent. Donc c'est ouvert.
Vous
ne voulez pas que vos enfants aient des diplômes?
Claudia - Si le diplôme conduit à leur épanouissement, nous
sommes pour le diplôme mais c'est l'épanouissement qui compte en premier. Un
autre jeune de l'association souhaite devenir pilote de ligne : il est entré
au lycée et bachote des maths à haute dose car cela correspond à son
objectif, concret et motivant.
Fredy - Mais
effectivement, philosophiquement nous avons des réserves sur les diplômes.
Une société qui distribue des diplômes est fondée sur l'irrespect. Le diplôme
cautionne le fait que certaines connaissances, certaines personnes, certains
métiers ont plus de valeur que d'autres. Le diplôme est un vecteur de
l'économie de pénurie, source de peurs et de crispations dans la
société. Il donne le droit d'avoir l'autre comme employé, de diriger
-ce sont les gens violents qui veulent diriger. Le diplôme comme invitation
au salariat, fléau mondialisé, on n’en veut pas !
Claudia - Le journal Regard conscient de janvier 2007 dit page 2 : "Dans leur ensemble, les
humains posent encore les diplômes et la règlementation comme étant des
garanties contre des abus possibles. Pourtant diplômes et respect de l'autre
sont loin d'aller de concert. Un rapport du conseil de l'Europe affirme
que 'l'incidence de la violence domestique semble même augmenter avec les
revenus et le niveau d'instruction (…). En France, selon les statistiques,
l’agresseur est en majorité un homme bénéficiant par sa fonction
professionnelle d’un certain pouvoir. On remarque une proportion très
importante de cadres (67 %), de professionnels de la santé (25 %)
et d’officiers de la police ou de l’armée.' (citation
d'Ignacio Ramonet, Violences mâles, Le Monde diplomatique, juillet 2004)".
En somme, l'école est peu
utile pour la transmission des savoirs car les enfants acquièrent
spontanément l'essentiel en vivant ; pour les savoirs académiques, l'école ne
fait que confirmer ce que certains enfants ont acquis grâce à leur culture
familiale (Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron l'ont décrit en 1964 dans Les
héritiers et en 1970 dans La reproduction). L'école réussit très
bien en revanche, donc, pour la transmission des valeurs implicites d'une
certaine société, l'apprentissage de la soumission à une hiérarchie et à des
décisions qui ne nous conviennent pas, et l'importance des diplômes participe
de cette vision verticale de la société, que nous ne partageons pas.
Vous
empêchez vos enfants d'aller dans les grandes écoles !
Claudia - Si l'enfant a comme but un épanouissement qui passe par
une grande école, l'enfant se donnera les moyens d'y accéder. La grande école
serait le moyen, pas le but. Cela dit, la grande école est pour moi le symbole
de la compétition et la hiérarchie à la française, où l'élite est formée à
trouver normal de prendre des décisions pour les autres.
Par ailleurs, je pense que ceux qui s'en sortiront le mieux à l'avenir sont
ceux qui seront autonomes et débrouillards, suffisamment créatifs pour
trouver leur solution. Un article de juin 2004 des Echos mettait d'ailleurs en avant l'intérêt des
universités américaines et des employeurs pour les jeunes non-scolarisés. Les
universités américaines les plus prestigieuses ont ouvert un cursus d'entrée
pour ces jeunes-là (exemple de Stanford, voir aussi l'article suivant).
Vos
enfants ne demandent pas d’aller à l'école ?
Fredy - Non, au même titre
qu’elles ne demandent pas à aller en Nouvelle-Zélande, puisque pour le moment
–et peut-être toujours-, l’école ne paraît pas un moyen de satisfaire une
envie. L’école n’a pas le monopole des choses agréables comme les
copains, les jeux et les échanges.
Claudia - ... et d'autres "adultes
référents"...! Pour des enfants jamais allés à
l'école comme les nôtres, il existe deux contextes de demande : des enfants
qui n'ont que des copains scolarisés et qui entendent : 'Toi tu es bête/tu
n'apprends rien car tu ne vas pas à l'école' ce qui leur fait ressentir
négativement leur situation. Cela n'est pas le cas chez nous.
L'autre moment est lorsque l'enfant a 9-10 ans et
qu'il a envie de découvrir ce qu'est ce monde étrange de l'école dont parlent
tant de livres, de films, de dessins animés (souvent créés par d'anciens
cancres qui n'aimaient pas l'école !). J'ai entendu plusieurs récits où
l'enfant y va quelques semaines et déclare ensuite que cela lui suffit, qu'il
préfère continuer l'instruction en famille.
En fait le
mouvement est plutôt dans l’autre sens : la plupart des enfants IEF
ayant rejeté l’école, ils ne demandent pas à y retourner !
C'est
plus facile pour vous qui êtes enseignante…
Claudia - J'ai effectivement enseigné 10 ans en lycée et collège
en histoire géographie (j'ai alors découvert que la véritable spécialité des
enseignants est de savoir gérer et faire travailler un groupe de 30 enfants).
Puis j'ai travaillé à l'iufm de Paris
pour promouvoir l'utilisation d'internet et la pédagogie de projet, à présent
je n'enseigne plus et travaille pour l’édition à mi-temps. Fredy aussi a enseigné un peu de maths à Orsay
avant de se consacrer entièrement à l'informatique.
La seule chose qui
compte à mon sens c'est l'envie d'accompagner son enfant. D'ailleurs
les enfants sont le plus souvent rétifs à un enseignement (qui présuppose des
attentes de l'adulte, qui place l'adulte dans la position dominante de celui
qui sait). Ce qu'ils aiment est qu'on apprenne ensemble.
D'ailleurs deux études anglo-saxonnes montrent que l'IEF est plus profitable aux enfants de milieu
"modeste" qu'aux enfants d'enseignants ou de milieu aisé. Dans les
familles ayant une culture familiale non-scolaire, les parents IEF sont dans
une attitude d'accompagnement motivé de leurs enfants, ils apprennent
ensemble, ce qui est la posture que les enfants préfèrent (ils voient
comment l'adulte s'y prend pour apprendre, ils aiment comprendre le chemin,
le plus important n'étant pas le résultat) ! Les enfants d'enseignants connaissent
eux les attentes du système et savent s'y conformer, ils savent faire
"leur métier d'élève" (c'est-à-dire deviner ce que l'enseignant
attend d'eux), ce sont eux qui "profitent" le plus du système, il
suffit de voir les pourcentages d'enfants d'enseignants dans les grandes
écoles.
(voir le petit témoignage de Jean
d'Ormesson à ce sujet...)
Néanmoins on a
l'impression qu'il y a de nombreux enseignants parmi les non-scolarisants ?
Claudia - C'est probablement lié à trois phénomènes : d'abord il
y a une proportion importante d'enseignants dans la population générale (un
peu plus d'un million d'enseignants sur 27,5 millions d'actifs). D'autre part
les enseignants connaissent l'envers du décor. Enfin, ils osent peut-être
davantage se lancer dans la non-sco car ils bénéficient a priori d'une
reconnaissance de l'institution scolaire, d'un "capital culturel"
qui donne une certaine assurance – au détriment des autres parents qui
osent moins car on leur a inculqué que l'éducation était affaire de
professionnels.
L'APPRENTISSAGE DES ENFANTS
Comment
se passe une journée-type ?
Claudia - La matinée est tranquille, elles jouent aux playmobils, à la poupée, aux jeux vidéos sur internet, on joue parfois à un ou deux
jeux. Quand elles étaient petites je leur lisais quelques albums quand elles
prenaient le petit déjeuner. Elles regardent des DVD de dessins animés, des
feuilletons ou un film.
Souvent on part vers midi trente vers notre sortie,
on en revient vers 18h ou 19h.
Le soir en famille après le dîner, on a à présent un rythme qu'on n'avait pas
quand elles étaient petites : les soirs de week-end on regarde un film, le
jeudi soir on regarde un documentaire et les autres soirs on joue à un jeu de
société.
Comment
pouvez-vous supporter d'être avec vos enfants toute la journée ?
Fredy - Comment pouvez-vous
supporter de mettre vos enfants à l’école toute la journée ?
Votre question est hors sujet. On n'a pas voulu des enfants décoratifs, on
aime passer du temps avec eux, ce qui permet de construire un ajustement fin
entre nous. Nos enfants ne nous dérangent pas car nous ne les dérangeons pas.
Claudia - Il est vrai que la présence 24h/24
de ses enfants implique une disponibilité mentale, une aptitude à faire
plusieurs choses en même temps tout en étant interrompu, que notre société
n'encourage pas. On peut trouver difficile d'être en permanence avec ses
enfants dans notre société d'isolement où le "village africain" est
loin. Alors on essaie de le recréer en allant passer quelques jours chez les
uns ou les autres, en se voyant régulièrement entre familles non-scolarisantes. Le
temps de transport est largement compensé par le ressourcement que procurent
rires et discussions avec des ami(e)s pendant que les enfants jouent
ensemble.
Mais
quand même n'est-ce pas une solution difficile ? Quels sont les
inconvénients ?
Claudia - Ce qui est peut-être difficile c'est ce travail sur
soi pour avoir le moins d'attentes possibles afin de respecter leurs rythmes
d'acquisition, c'est cette confiance à faire alors que l'entourage n'est pas
très favorable, ce sont les une à deux heures de
transport pour rejoindre les autres enfants, c'est la distance avec les
autres familles. Ce seront peut-être les difficultés pour intégrer les
attentes formelles du bac lorsque ce sera le moment. Mais on ne peut pas
raisonner en avantages et inconvénients, c'est juste une autre façon de vivre
ensemble.
Comment
faites-vous travailler vos enfants ?
Claudia - Je ne fais pas travailler les enfants, je travaille
sur moi afin de ne pas avoir d'attentes vis-à-vis des enfants…
Vous
ne voulez pas avoir d'attentes vis-à-vis de vos enfants ?!
Claudia - Lorsqu'on prévoit quelque chose pour les
enfants (sortie, bricolage), on a des attentes qui nous rendent désagréables
lorsque l'enfant ne manifeste pas de reconnaissance particulière voire qu'il
entre dans une crise de fatigue en fin de journée. On est d'autant plus apte
à la colère qu'on a une attente vis-à-vis de l'enfant. C'est pourquoi à mon
sens il ne faut rien faire spécifiquement pour l'enfant, mais faire
les choses avec lui (je pense que c'est vrai en général, c'est
dangereux et malsain de faire quelque chose pour les autres).
Etant donnée notre
société de mesure et d'étalonnage, il est possible que certains parents
soient plus acceptants s'ils connaissent les étapes du développement
psychomoteur des enfants, afin de ne pas attendre quelque chose de démesuré
de leurs enfants. Mais si l’on se contente d'être dans la présence
acceptante, non-jugeante, non-interventionniste, on
constate spontanément les étapes de nos enfants.
A mon sens,
l'acceptation inconditionnelle de ce que sont nos enfants construit leur
confiance en soi et dans les autres, leur estime de soi, une grande force
intérieure (je le sais intimement, c'est ainsi que mes parents ont été avec
nous). Lorsqu'on a pu explorer de nombreux chemins, on se connaît, on
s'apprécie et on peut aller sincèrement vers les autres.
A partir de cette
attitude de base, je ne pouvais qu'accepter inconditionnellement ce qu'elles
apprennent et la façon dont elles apprennent... Ca a été facile tant qu'il s'est agi de ne rien
dire quant à leur façon de colorier, dessiner, découper. Mais il me faut
davantage de travail sur moi (et de discussions avec Fredy) pour avoir la
même acceptation vis-à-vis d'Auriane (7 ans) qui écrit très peu et seulement
en majuscules. Je lui ai dit une fois qu'étant donnée la pression de
l'entourage, c'était important pour moi qu'elle écrive un peu, mais ça n'a
pas de résultat. Une amie me dit qu'elle se mettra à écrire (si elle en a
envie) le jour où elle ne sentira plus de pression, même inconsciente. Et de
fait, notre deuxième fille Loline (5 ans) va bien plus volontiers vers la
lecture et l'écriture : Loline était présente, absorbant ce que je pouvais
dire, mais sans être la destinataire des attentes. C'est quelque chose qu'ont
observé bien des parents que je côtoie.
(ajout de septembre 2008 : à présent
Auriane a presque 9 ans et se met de plus en plus à écrire en minuscules,
elle pose des questions sur la façon d'écrire, elle cherche à lire mes notes
manuscrites).
(ajout de janvier 2010 : Auriane s'est mise à écrire
effectivement en minuscules à 9 ans et écrit désormais comme les enfants de
son âge ; Loline commence seulement à lire, elle a finalement pris son temps,
n'ayant pas la motivation de lire les dialogues des Sims...)
En matière
d'attentes parentales, Jean Liedloff va même plus
loin en expliquant dans son livre que les Yequanas
d'Amazonie n'encouragent pas, ne félicitent pas, ne contrôlent pas, car ce
serait présupposer qu’on s'attendait à ce que l'enfant ne fasse pas (le
chemin dans la forêt, les progrès quotidiens), ce qui n'est pas un signe de
confiance*… Cela m’interpelle !
En fin de compte, je
pense être illégitime si je lui demande d'apprendre quelque chose.
L'ajustement du quotidien et l'affirmation mutuelle des besoins m'autorise à
lui demander de ne pas laisser ses chaussures au milieu du salon mais pas de
lui réclamer d'écrire. Je ne peux que respecter le caractère intime de
l’apprentissage.
Je suis donc opposée
à toute motivation extérieure à l'enfant, au bâton/punition mais aussi à la
carotte, que ce soient des encouragements exagérés ou une évaluation
positive. Apprendre pour faire plaisir à quelqu’un d’autre me paraît une
motivation malsaine, qui éloigne de soi et invite à la manipulation. Nous avons publié récemment un livre d'Alfie
Kohn qui montre à quel point la motivation extrinsèque abîme, à long terme,
la motivation intrinsèque de faire les choses (Alfie
Kohn, Aimer nos enfants inconditionnellement, traduction de Unconditionnal parenting,
éditions l'Instant Présent, 2015).
* cf. Jean Liedloff,
Le concept du continuum, Ambre éditions, 2006
Mais
les notes permettent de travailler pour apprendre
Claudia - Les notes ne servent qu'à reproduire la hiérarchie
sociale en habituant les uns à faire partie de la future élite et en
légitimant la place sociale des autres. Les notes classent les élèves en se
basant sur un petit nombre de critères arbitraires et artificiels bien loin
des milliers de choses qu'apprennent les enfants sans avoir besoin de note ou
d'enseignement.
Fredy - Cela
n'a rien à voir. Les notes constituent l’origine des inégalités et
discriminations dans notre société, je ne vois pas comment on pourrait les
souhaiter. Les notes renforcent cette économie de pénurie. Comme le
dit Alfie Kohn, les motivations extérieures ne sont pas les bonnes
motivations pour apprendre, les seules motivations valides pour apprendre
sont les motivations intrinsèques.
Claudia - D'ailleurs, la Finlande a été
placée au premier rang en matière de performances scolaires par l'enquête de
l'OCDE
PISA (tableaux), alors que les enfants
finlandais ne sont pas notés avant 14 ans (cf. article).
Et comme le dit Philip Gammage : "On n'a
jamais fait grandir quelqu'un en le mesurant".
J'ai lu un livre
d'un professeur de français chevronné exerçant en collège de banlieue qui
exprime ce qu'il observe de la même façon dont je l'ai vécu : "Les
enfants des classes dominées sont, aujourd'hui, légalement contraints de
passer leurs années de formation dans des collèges où ils vérifient
l'inadéquation de leurs références, de leurs usages, de leur langage à la
culture de l'école. Leur identité en reçoit une atteinte profonde,
irréparable. (…)
Et quoiqu'ils s'en défendent avec l'énergie du
désespoir, ils ne peuvent faire qu'ils ne soient plus ou moins persuadés
d'être moins bons, qu'ils ne consentent à se voir cantonnés, plus tard, dans
des tâches d'exécution peu considérées, mal rétribuées, quand ce n'est pas au
chômage" (page 78-79)*.
"Le prétendu élitisme républicain n'est qu'un
discours creux masquant la reproduction des rapports de domination"
(page 85).
* (Pierre Bergounioux, Ecole : mission accomplie,
Les prairies ordinaires, 2006)
J'ai vu cette idée récemment
sous la plume de François Begaudeau, auteur et
scénariste, dans cet échange
passionnant : "contrairement à ce qu’un étonnant révisionnisme
laisse croire –et se fait croire–, l’école n’a jamais été conçue pour combler
les inégalités, mais pour les relégitimer. On parle toujours de l’échec de
l’école. On se trompe. L’école a parfaitement réussi. Parfaitement réussi sa
mission de relégitimer la classe dominante et de convaincre les pauvres
qu’ils méritaient de l’être.
Je
reviens donc à la structure. Et je redis ce sur quoi vous êtes passée très
vite. L’école n’a pas échoué à résoudre les inégalités, elle a parfaitement
réussi sa mission de les relégitimer. L’école n’est pas discriminante par
erreur mais par essence – et la suppression des notes n’y changera rien.
L’école n’a pas vocation à sauver les pauvres, mais à les neutraliser et à
les convaincre qu’ils méritent de l’être– le collège unique n’aura, là-dessus
rien changé.
C’est
quoi être un prolo à l’école? C’est, dans 99% des cas,
l’assurance que ca se
terminera sur une voie de garage ou dans une filière disqualifiée. C’est,
jour après jour, heure après heure, le constat de sa propre indigence,
émaillée d’humiliations régulières. C’est beaucoup d’ennui. C’est, en résumé
un jeu pénible qui se termine mal. On ne se refait pas:
je n’aime pas qu’on emmerde les pauvres. C’est de ce point de vue avant tout
que j’aimerais bien qu’on en finisse avec l’école."
Autre enseignant (de
mathématiques), André Antibi constate dans La
constante macabre ou Comment a-t-on découragé des générations d'élèves? (Math'Adore, 2003)
: "On doit reconnaître que l'existence d'une telle constante 'macabre' (pour
beaucoup d'élèves en tous cas), traduit une certaine forme d'injustice de
notre système d'évaluation qui semble destiné davantage à classer les élèves
qu'à évaluer réellement leurs connaissances" (page 16). "Nous nous
trouvons dans une position de sélectionneurs malgré nous" (page 71).
La constante macabre est le fait que les enseignants rechignent à mettre de
bonnes notes qui éloigneraient de 10 la moyenne de la classe, faisant en
sorte que l'échec est structurel (voir une lettre ouverte de André Antibi parue dans le Café pédagogique et reproduite dans Hors
des murs).
Enfin, les notes habituent
les élèves à la course à la performance qui est le fondement de la course à
la consommation de notre société, dont le moteur se nourrit de frustrations
et de prescriptions extérieures à soi (on m'a conseillé de lire John Taylor
Gatto sur ce sujet).
Comment
alors motivez-vous vos enfants ?
Fredy - En ne les démotivant
pas !
Claudia - Je ne cherche pas à motiver les
enfants, juste ne pas abimer leur motivation intrinsèque de grandir et
leur appétit d'apprendre. Je n'ai pas besoin d'outils artificiels d'ailleurs.
Auriane est très motivée pour découvrir sur internet de nouveaux jeux
thématiques pour les enfants : elle a appris ainsi à utiliser Google,
elle réalise que l'orthographe compte (et que Google corrige), elle s'initie
à quelques mots d'anglais.
Laisser nos enfants
participer à notre quotidien leur permet d'aborder de
nombreux apprentissages : notre monde est rempli d'écrits et de
chiffres ! Les laisser peser les fruits et légumes à Naturalia, les
laisser trouver le quai du train qu'on a à prendre (et ensuite la voiture et
ensuite les places), les laisser faire le code de l'immeuble où on va, etc.
Cela ne demande pas d'effort particulier, juste de rester ouvert aux
sollicitations des enfants qui ont envie de partager et d'apprendre notre monde.
Savoir prendre le temps aussi, ne pas avoir des contraintes de temps
répressives.
Nous sommes dans la
continuité de leur petite enfance, lorsqu'elles voulaient monter tous les
escaliers rencontrés ou absolument descendre des bras pour utiliser l'escalier
roulant. Les Montessoriens utilisent l'expression période sensible qui
m'a d'abord laissée perplexe (car induisant la question : que faire pour
ne pas la rater ?). Cela me parait être une expression pompeuse pour
signifier simplement : "quand l'enfant en a très envie" car il est
en train d'acquérir la maîtrise de quelque chose de nouveau.
Mais
quand même il faut souffrir pour apprendre
Fredy - Oui si ça n'est pas le bon moment.
Et
si ça n'est jamais le bon moment ?
Claudia - Pour les savoirs utiles dans notre société, cela
viendra nécessairement. Pour le reste, cela viendra si ça intéresse l'enfant,
au moment où ça l'intéresse (y compris lorsqu'il est devenu adulte). De
toutes façons on ne se souvient guère (vraiment très peu) des savoirs formels
qu'on a appris à l'école.
Comment
arrivez-vous à remplacer la grande quantité de savoirs et la diversité des
activités qu'offre l'école ?
Claudia - Je ne cherche pas à faire beaucoup d'activités
ni à aborder beaucoup de savoirs. L'école offre beaucoup mais apporte peu de
façon durable : il est beaucoup plus efficace pour un enfant d'apprendre
quelque chose lorsqu'il se pose une question ou en a besoin, fût-ce à 20 ou
35 ans.
Comment
leur enseignez-vous ?
Claudia - Je ne souhaite pas leur enseigner, je ne souhaite pas
être l'institutrice de mes enfants avec toutes les attentes qui iraient avec.
Je m'estime juste l'accompagnatrice des découvertes et de la curiosité de mes
enfants. Mon principal rôle est… de leur assurer une bonne connexion à
internet et une carte de bibliothèque à jour ! D'ailleurs, mes enfants
se braquent si je veux leur enseigner quelque chose qu'elles n'ont pas
demandé et qui n'entre pas dans leur construction de la compréhension du
monde.
Comme le dit Marie-Claude : "Lorsque vous posez
une question à votre enfant vous êtes en train d'enseigner, lorsque c'est lui
qui pose une question, il est en train d'apprendre".
L'apprentissage passe par les nombreux échanges
qu'on a chaque jour. La connaissance est pour l'instant basée sur le vocabulaire
("qu'est-ce que ça veut dire" demandent-elles lorsqu'elles
ne l'ont pas déduit du contexte) et par les histoires que l'on raconte, que
l'on lit, que l'on voit dans des documentaires, des films, des dessins
animés.
Roland Meighan a formalisé ces types d'apprentissage dans un
tableau du "Livre bleu" de Led’a*. Selon lui, le taux moyen de
mémorisation est faible dans les procédures d'enseignement classiques :
5 % pour l'enseignement formel, 10 % pour la lecture, 20 %
avec l'audiovisuel, 30 % avec une démonstration (chiffres qui d'après
moi devraient être nuancés selon la motivation de l'apprenant : quand,
adulte, on va voir une conférence sur un sujet qui nous tient à coeur, on se
souvient de beaucoup de choses).
Le taux moyen de mémorisation est de 50 % dans
un groupe de discussion, 75 % avec de la pratique, 90 % lorsqu'on
explique à d'autres et lorsqu'on utilise immédiatement la connaissance.
Ce n'est pas notre motivation première, mais en plus, enseigner est
inefficace !
Comme l'a dit André Stern, "Pour
faire une métaphore on dit que la meilleure manière d'apprendre une
langue c'est d'aller dans le pays, eh bien moi je suis allé dans le pays des
domaines et des matières qui m'ont intéressé au moment où elles m'ont
intéressé au rythme qui me convenait" (septembre 2007 sur France 3).
Fredy - Il n'y
a pour moi aucun rapport entre enseigner et apprendre. Apprendre est une
affaire privée et intime. Enseigner est une façon de vouloir dominer l'autre,
de créer un rapport de force.
* (Apprentissage
auto-géré et instruction à la maison : une perspective européenne, sous
la direction de Leslie Safran Barson, 2006).
Vous utilisez des méthodes quand même !
Fredy -
Non, au même titre qu’on n’a pas de méthode pour se faire des
amis. Une méthode consiste en une recette qui fait abstraction des données
circonstancielles, qui est indépendante du contexte. De fait, la méthode est
adaptée aux productions industrielles, au dressage des chiens ou des otaries.
Employer une méthode avec nos enfants serait condescendant vis-à-vis d’eux.
Une méthode réduit le champ des possibles ; or
la connaissance est l'exploration des champs du possible. La vie est variée
et complexe, et apprendre des outils, notamment mathématiques, restreint
cette variété/complexité. C'est comme si on voulait apprendre la littérature
avec des mots croisés. Donner des explications formelles réduit la richesse
du réel.
D’autre part, c'est le chemin qui apprend à se
connaître et je ne veux pas voler ce chemin à mes enfants ; la solution
n'a pas d'intérêt en soi. Par exemple lorsqu’elle recompte les doigts de sa
main pour ajouter 3 à 5 (et qu'elle prend 5 sur une main), j’ai envie de lui
dire qu'elle sait bien qu’elle a 5 doigts. Mais je m’en empêche car je ne
veux pas lui voler le chemin de la découverte par elle-même.
Vous allez bien leur
faire apprendre les tables de multiplication ou les additions avec
retenue ?!
Fredy - Non je ne vais pas le
leur faire apprendre. Si elles trouvent un intérêt à être plus rapides ou
plus efficaces (pour un jeu par exemple, pour rendre de la monnaie), je les
encouragerai à chercher une méthode. Il y a de grandes chances pour que cette
recherche de méthode soit beaucoup plus intéressante que l’application de la
méthode elle-même. Là encore je ne veux pas leur voler cette potentielle
réjouissance, à laquelle je participerai bien volontiers d’ailleurs.
Et
comment sans méthode votre grande fille a-t-elle appris à lire ?
Claudia - Je ne souhaitais pas de méthode de lecture car je
pense que les enfants apprennent par imitation, curiosité et absorption,
qu'ils apprennent malgré
les méthodes. La lecture est présente dans notre quotidien : on se lit des
extraits de livres avec le papa, j'ai lu aux enfants de jolis albums presque
chaque jour (j'ai passé beaucoup de temps dans les librairies à choisir de chouettes histoires tant je trouvais que les histoires étaient souvent
insignifiantes).
Auriane a commencé à repérer les lettres en
majuscules par des jeux sur ordinateur (Lapin malin maternelle 2), un puzzle,
son prénom, la rue (le P des parkings). Le b-a-ba est arrivé de façon
évidente, sans que je ne dise rien, lorsqu'elle avait 6 ans.
Pendant environ deux ans, de ses 5 à 7 ans, j'ai
repéré dans notre environnement (métro, pub, emballages, albums) des mots
simples qu'elle était capable de lire et que je lui proposais de lire (GAZ, Paris, bus, etc.). Un ou deux
mots par jour, pas plus car elle n'était pas souvent demandeuse.
Puis on a repéré quelques sons complexes dans
l'environnement (déjà par les prénoms, le maman),
comme le -eil
quand on va à Créteil, le gn quand on regarde le signal d'alarme : je lui
ai montré les sons complexes en fonction de ce sur quoi elle buttait en
lisant des affiches ou des titres d'album. Elle a souvent été réticente à
lire quelque chose tant, je pense, cela parait complexe lorsqu'on ne sait pas
lire. Alors j'ai attendu, on n’était pas pressés, et finalement deux minutes
par jour ont suffi pour qu'elle finisse d'apprendre à déchiffrer les
"sons complexes", au bout de 2 ans.
Comme elle n'avait
appris que les majuscules, cela a limité sa lecture à un moment donné. J'ai
repéré quelles minuscules (d'imprimerie) étaient différentes des majuscules
(moins d'une dizaine) et je les lui ai montrées.
Enfin vers 7 ans, elle a lu quelques albums. Petit à
petit elle s'est mise à déchiffrer chaque jour davantage et avec plaisir,
sans que je le demande, plein de choses dans notre environnement : les titres
dans les DVD, les commandes dans les jeux vidéo. Les Sims
ont été facteur d'accélération, elle voulait lire les dialogues. Idem vers
9-10 ans, la lecture des sous-titres des quelques films que nous -parents-
regardons en anglais a augmenté sa lecture rapide.
J'avais lu les bouquins de Doman
et Boulanger*. Je crois volontiers en leur efficacité mais pour Doman j'étais allergique à sa recherche de performance
(avec l'attente qui va avec) et pour Boulanger, ma fille n'a jamais demandé à
apprendre à lire, elle n'était pas intéressée à 3 ans (et je crois qu'on
confond parfois la demande d'un enfant : "qu'est-ce qui est écrit
là" avec une demande de savoir lire ; l'enfant demande simplement à
savoir ce qui est écrit là).
Au
delà d’une certaine critique des méthodes syllabiques standard, mon
approche était aussi une façon de témoigner qu'on peut apprendre à lire à son
enfant juste en sachant lire soi-même et en ayant plaisir de partager cette
découverte de la langue avec son enfant. Je crois que c'est le facteur
essentiel, le plaisir de partager une découverte.
* Glenn Doman, J'apprends à lire à mon bébé,
1965
Françoise Boulanger, Le bonheur d'apprendre à lire, 2002
Néanmoins
si vous aviez utilisé une méthode de lecture une heure par jour, votre fille
aurait appris à lire plus tôt !
Fredy - Oui peut-être, mais
forcément au détriment de quelque chose d’autre. Faire les choses tôt et vite
n’est pas dépourvu d’inconvénients. Si l’on maîtrise trop bien ou trop tôt la
lecture, cela peut être au détriment d’autres modalités d’exploration du
monde : observation, expérimentation, écoute…
Claudia - Je valorise davantage le fait
qu'elle ait construit elle-même son apprentissage (avec toute la confiance en
soi que cela permet, le plaisir progressif et sincère de la lecture) que le
moment où elle a appris. De fait je ne vois pas d’intérêt à avancer
artificiellement l'âge d'un apprentissage : au mieux on l'oublie si on ne
s'en sert pas, au pire on risque d'en être dégouté, comme en témoignent de
nombreux parents à propos de la lecture apprise trop tôt et au pas de charge
à l'école.
Lorsqu’on est moteur
soi-même, on apprend les choses au moment où l’on est mûr pour cet
apprentissage. Pas de risque de déflorer le plaisir de découvrir !
D'ailleurs il y a bien des choses qu'on apprécie
plus à 30 ans qu'à 17 alors que les programmes exigent qu'on les ingurgite à
17 (l'histoire du mouvement ouvrier, "En attendant Godot", etc.).
Nous ne sommes pas pressés, nos enfants ont toute une vie pour apprendre des
choses qui feront sens pour eux.
Il est fort dommage
d'ailleurs qu'il n'y ait aucune connaissance chez les médias ou les
inspecteurs quant à la qualité de l'apprentissage lorsqu'il est tardif. Les
travaux d'Alan Thomas, universitaire anglais qui étudie l'apprentissage
autonome, ne sont pas assez connus, notamment son étude sur l'apprentissage tardif de la lecture. Il rapporte une anecdote. Une mère avait demandé à l'inspecteur : que
pensez-vous d'un enfant qui à 10 ans et demi lit Roal
Dahl et Jules Verne ("très bien, très bien, bon succès de l'IEF").
Mais que dites-vous d'un enfant non-sco qui à 10 ans ne sait pas lire ?
("oh là là"). Eh bien monsieur, c'est le
même enfant ! Son dernier livre, À l'école de la vie, les apprentissages informels
sous le regard des sciences de l'éducation (traduction de "How children
learn at home") avec Harriet Pattison,
porte sur les modalités
d'acquisition des connaissances lorsqu'elles sont acquises de façon autonome
par l'enfant, en interaction avec son entourage (http://howchildrenlearnathome.co.uk).
Vous avez l’air de critiquer
les méthodes de lecture actuelles
Claudia - Beaucoup de méthodes présentent au même moment les
différentes façons d'écrire un son (ai, ei, et,
est) et cela me parait nocif pour l'apprentissage ultérieur de l'orthographe.
J'y ai été sensibilisée par une amie orthophoniste, Marlène Martin*, qui m'a
recommandé de ne pas montrer à Auriane le cahier de sons complexes que
j'avais commencé à faire avec nos récoltes de sons (et selon une
structuration d’adulte a posteriori). Sinon, l'enfant devrait ensuite faire
des exercices fastidieux pour savoir si ça s'écrit 'et' ou 'est' alors que si
l'on n'a pas mis l'accent là-dessus, l'orthographe pourrait s'apprendre
tranquillement avec le sens et la lecture. Une mère de Lyon qui vient de
déscolariser m'a elle aussi raconté comment son fils savait écrire sans faute
a et à avant de l'apprendre en classe et comment les exercices
avaient ensuite perturbé son orthographe spontanée.
L'apprentissage
"spontané" correspond en fait à la prise en compte par l'enfant de
centaines d'indices implicites, qui sont bien plus riches et adaptés que LA
règle qu'il faut réciter (et que la recherche en cognition a bien du mal à
établir, et tant mieux !) (cf. Britt Mari Bart)
* Marlène
Martin, Apprendre à lire en famille,
2009, www.editions-instant-present.com/ALF
Les enfants qui ne sont pas
allés en maternelle ne maîtrisent pas l'alphabet, les phonèmes, la graphie comme
ceux qui y sont allés
Fredy - Pas d’accord, je connais
plein de gens qui n’ont pas fréquenté la maternelle et qui maîtrisent la
lecture et l’écriture.
Oui,
mais pas à 6 ans !
Fredy - Ne pas maîtriser quelque
chose à un âge donné n’implique pas qu’on ne le maîtrisera pas plus tard,
non ?! Voire, maîtriser les choses en fonction de ses propres choix du
moment peut conduire à un meilleur apprentissage car on en a eu envie. Il n'y
a que 24 heures par jour et chacun les utilise à sa façon. Les enfants qui
sont "à la maison" ne font pas moins,
il font autre
chose et il est malvenu de les comparer à l'échelle et au rythme
de l'école. De plus, vous n’avez aucune idée de ce que les enfants ont perdu
à l'école, de l’ordre de l’autonomie, la débrouillardise, la confiance en
soi, etc. Cet apprentissage quand ils en ont besoin est très efficace.
Et
comment allez-vous faire pour l'écriture ?
Fredy - Cela viendra en fonction de
sa motivation et des avantages que savoir écrire procure.
Claudia - Auriane n'a jamais fait d'exercices
de graphisme comme à la maternelle -à part jouer aux playmobils
et faire quelques imitations d'écriture... Elle me demande à présent (à 7
ans) comment s'écrivent certains mots lors de listes de mots qu'elle rédige
(en majuscules, c'est ce qui lui est venu spontanément). Elle tape souvent
quelques mots sur l'ordinateur, à commencer par son mot de passe qu'elle a
réclamé voilà deux ou trois ans. Elle aime jouer au jeu du pendu, ce qui lui
permet de s’imprégner des lettres les plus fréquentes, de la différence entre
voyelle et consonne, de l’orthographe des mots. On joue aussi désormais au cadavre
exquis, ce jeu des surréalistes consistant à écrire un sujet puis un
verbe puis un complément puis un complément de lieu en cachant à chaque fois
le mot que l'on vient d'écrire et en passant la feuille à son voisin. Fous
rires garantis.
(ajout de mai 2009 : nous avons affiné le jeu en disant à quel temps doit
être le complément de temps du début -futur présent ou passé-, éventuellement
en choisissant un adjectif -au masculin, féminin, singulier, pluriel- puis un
nom propre -accordé à l'adjectif).
Lorsqu'Auriane était
plus jeune, vers 5 ans, j'ai de temps en temps incité l'écriture de cartes
postales ou d’anniversaire (avec ma surprise qu'elle ne savait pas relire ce
qu'elle venait d'écrire). Elles écriront toutes seules lorsqu’elles seront
motivées. La difficulté d’écrire en minuscules se résorbera par l’envie
d’écrire en minuscules.
(ajout de mai 2009 : c'est le cas désormais pour
Auriane qui écrit désormais en minuscules attachées -je penchais plutôt pour
des minuscules en script d'ailleurs mais elle a voulu écrire en attaché)
(2016 : non, c'est un mélange, plutôt script).
Et
si cela n’arrive pas ?
Fredy - Je suis confiant que cela
va arriver. L’écriture est un atout majeur et un outil pratique dans la
société où nous vivons, au même titre que la marche ou la parole. Il me
paraît bizarre de vouloir imposer par la force quelque chose de si
important : cela signifie t’il que l’on n’y
croit pas ?
Claudia - En tous cas on ne peut que
remarquer la difficulté de la grammaire française. Que font les
enfants italiens ou arméniens de tout le temps libéré par leur langue
phonétique ? J'ai lu que les hiéroglyphes égyptiens étaient restés
compliqués pour permettre aux scribes de conserver leur pouvoir... Et si l’on
analysait ainsi la difficulté du français, langue dont la maîtrise
permet la distinction (pour
reprendre le terme de Bourdieu), voire la discrimination, dans un pays très
hiérarchisé ? Et si l’on étendait la réflexion aux langues de pays au
passé colonialiste/impérialiste : elles sont souvent complexes, contrairement
aux langues phonétiques de pays dominés ou tardivement unifiés (cela marche
pour les langues que je côtoie, persan/arménien, français/italien).
Comment
allez-vous procéder pour les autres savoirs formels ?
Claudia
- D'abord, précisons que nous ne sommes pas opposés aux savoirs formels* en
soi, nous sommes opposés au fait de les imposer à un enfant (nous
serions tout autant opposés à l'obligation de regarder deux heures par
jour des dessins animés !). Nous avons croisé plusieurs enfants de Led’a
qui prenaient un grand plaisir à faire des calculs, des jeux mathématiques,
des jeux de grammaire, nos enfants apprécient beaucoup les exposés du Palais
de la découverte ou certains livres-documentaires.
Je propose désormais les savoirs formels des programmes
deux ans après le moment où les enfants scolarisés les apprennent en classe,
via des cahiers d'activités. En effet, soit nos filles les ont acquis par
apprentissage spontané, soit elles sont suffisamment mûres pour les acquérir
facilement à ce moment-là, d'autant qu'il est alors simple d'acquérir une notion
théorique basée sur des exemples abordés par l'enfant au quotidien, dans des
contextes qui faisaient sens pour lui. Il me paraît intéressant de voir les
notions officielles, pour le vocabulaire spécifique qui permet de communiquer
avec les personnes moulées dans le savoir scolaire que mes enfants ne
manqueront pas de côtoyer.
Nous avons
démarré avec Auriane lorsqu'elle avait 9 ans avec un cahier de CE1. Lorsque
j'avais feuilleté le cahier de CP à la librairie, je n'avais pas eu envie de
le prendre : les exercices étaient soit principalement scolaires (destinés à
occuper les enfants), soit nocifs à mon sens (les exercices pour apprendre
toutes les façons de faire le son é ou le son s). J'avais seulement relevé
quelques bonnes idées en maths : placer les mesures dans les courbes du
carnet de santé quand on mesure et pèse l'enfant, jouer à la bataille navale,
jouer avec deux dés plutôt qu'un pour additionner, mesurer avec un mètre de
couturière ou une règle pour un bricolage, peser quand on fait de la cuisine,
reproduire un dessin grâce à un quadrillage. Bref, des activités qu’on est
amené à faire en vivant…
Concernant
l'histoire et la géographie qui me sont plus familières, l’exploration du
monde et de la société peut se faire longtemps grâce aux découvertes et
observations de la vie quotidienne : le plan de la ville lorsqu’on va
quelque part, une carte routière sur laquelle on se repère, des épisodes
d'histoire prenant place dans les histoires racontées dans des livres, BD,
films, dessins animés, le vocabulaire initié par la vie de tous les jours.
J'ai seulement affiché une carte de France et de
l’Ile-de-France avec des mini-photos des enfants en visite, et une carte du
monde sur laquelle j'ai collé des vignettes des personnages vus dans les
films et dessins animés (Kiki la Japonaise, Mowgli l'Indien, Laura
l'Américaine des grandes plaines, Kirikou le Sénégalais etc.), qui permettent
d’initier un lien entre cartographie, modes de vie et images du paysage.
Je vais reprendre
ces vignettes (et d’autres personnages que nous avons rencontrés) sur une
ligne du temps, mais je ne ferai pas de frise chronologique complexe. En
effet, la frise est une structuration abstraite faite par un adulte pour
organiser la masse de connaissances datées qu'il possède. Il faut d'abord
engranger ces connaissances. A un moment donné l'enfant devenu grand aura
envie et besoin de faire sa propre frise chronologique qui fera alors sens
pour lui.
*(structurés par une intention et des
objectifs a priori).
Utilisez-vous
d'autres pédagogies ?
Claudia - J'ai beaucoup aimé lire Libres enfants de Summerhill, d'Alexander Neill. Ce livre faisait même
partie des idées avec lesquelles le futur papa de mes enfants aurait à être
en accord. Fredy a été d'accord sur le fond mais a trouvé la démarche de
Neill trop timide ou trop thérapeutique. D’autre part il s’agit d’un
internat, ce qui ne laisse ne me surprendre concernant la motivation des
parents.
Même si je le connais
mal, j'aime beaucoup Célestin Freinet, par exemple le texte sur la grammaire rédigé en 1937 (où il met en avant que la grammaire s'apprend
en écrivant quand ça a du sens) ou ses invariants. J'aime bien les valeurs mise en avant par les enseignants
Freinet : âges différents qui permettent au grands d'expliquer aux
petits, aux plus jeunes d'avoir des explications données par un enfant proche
d'eux ; utilisation des occasions de la vie de tous les jours pour écrire,
travail par projet à l'initiative des enfants…
Mais justement ce
sont des conditions que l'on retrouve idéalement dans la vie quotidienne en
dehors de l’école ! Même concernant le journal que nous avons créé entre
les enfants : les enfants écrivent à leurs copains et pas à une vague classe
correspondante.
Je suis du coup étonnée de
la réticence de certains vis à vis de l’IEF (Sylvain Connac de l'émission
"Ecole en France" de
France 2, certains intervenants de la liste Freinet). Cela donne fortement
l'impression que l'école s'est construite contre
les parents en France.
Au total, je suis frappée de voir que les recherches
que font les pédagogues passés et présents (Roger Cousinet, Philippe Perrenoud, Bernard Collot dont
j'ai beaucoup apprécié Une école du 3è type ou La pédagogie de la
Mouche* et son blog, Philippe Meirieu, Daniel Favre) tendent vers des solutions que
propose l'apprentissage autonome à la maison : importance du choix par
l’enfant, interaction avec des enfants d’âges variés, utilisation des
occasions de la vie de tous les jours.
* L'Harmattan, 2002
LE GROUPE PARISIEN
Revenons
aux sorties dans Paris
Claudia - Je suis devenue relais Paris de Led’a en août 2005.
J’ai proposé de poursuivre l’organisation précédente, soit un dimanche par
mois chez une famille, mais personne ne s’est proposé. Dans le même temps,
mon beau-frère Kamil avait proposé de nous faire une visite guidée du Palais
de la découverte (où il travaille), qu'il pouvait rendre accessible à des
enfants très jeunes.
En janvier 2006 il y
a eu 60 personnes au Palais : on pouvait proposer une rencontre par semaine.
J'ai fait alors quantité de réservations de lieux que j'avais envie de
découvrir (Louvre, ateliers du parc de la Villette, Kapla,
etc.), en procédant comme si on était une école. Comme certaines trouvaient
que cela fait partie de notre mission informative de nous présenter tels que
nous sommes, à savoir "parents instruisant leurs enfants en
famille" -cela passe mieux que non-scolarisants-
je l'ai parfois annoncé, rencontrant souvent de l'incompréhension.
Puis, grâce à une
amie, on a monté un programme avec deux cycles de 10 séances pour l'automne
et l'hiver 2006-2007 (cité de la musique, Petits débrouillards), et j'ai
ajouté des visites ponctuelles, ce qui faisait le plus
souvent deux rencontres par semaine. Au début les enfants ne se
connaissaient pas bien, le groupe était un peu timide et réservé. Puis il y a
eu de nombreuses invitations des uns chez les autres, les enfants ont appris
à se connaitre et à présent c'est un groupe sympathique qui s’entend bien (et
qui accueille sans préjugés et sans jugement les "nouveaux"). C'est
ce qui me fait le plus plaisir.
Pour la saison 2010-2011, 4
après-midi d’ateliers et de jeux sont proposés par semaine, souvent à
plusieurs endroits en région parisienne, de plus en plus de parents proposent
de partager leurs passions/compétences avec les enfants, dans un esprit
d’échanges, ce sont des séances passionnantes. Les échanges passent désormais
par une liste de discussion et un site
collaboratif.
Vous
n'avez pas l'impression d'enfermer vos enfants dans un milieu que vous avez
choisi ?
Fredy - Pas plus que les parents
qui ont choisi d’enfermer leur enfant à l’école. C’est une mauvaise question
qui ne peut qu’inviter à des mauvaises réponses. Puisque choix il y a et
choix on fait, que ce soit en matière de lieu de vie, mode de vie, façon de
parler, sujets à connaître, comportements à avoir, etc., on
"s’enferme" dans le lieu de vie, le mode de vie, le comportement
qu’on choisit.
Est-ce que l’école garantit une ouverture tous
azimuts aux choix possibles ? Force est de constater que c’est plutôt l’inverse
puisque l’école favorise la discrimination, à l’échelle des classes par les
notes, à l’échelle des quartiers où la réputation des établissements
scolaires est corrélée aux prix immobiliers, à l’échelle des disciplines
choisies où les maths sont mieux considérées que la psychologie.
Cela étant dit, si l’on considère le spectre des
revenus et la variété des métiers des parents, le milieu non-sco présente un
spectre de revenus et de métiers beaucoup plus large que celui d’une classe
dans une école.
Claudia - En effet nous ne choisissons pas
les familles qui viennent aux rencontres et leur milieu social est plus varié
que les métiers des parents de l'école en face de chez moi !
Mais personnellement je revendique la notion de choix
: je trouve précieux de transmettre aux enfants l’idée que l'on peut choisir
ce qui nous correspond le mieux dans la vie. En ce sens, les convergences des
familles non-sco, notamment l’écoute des enfants, me conviennent bien.
Pouvez-vous
préciser ?
Claudia - Depuis 10 ans j'ai parlé avec de très nombreuses
familles non-scolarisantes chez lesquelles je
constate souvent des convergences fondées sur l'écoute de l'enfant. Que ce
soit dans une situation de déscolarisation (la plus fréquente) ou une
démarche de non-scolarisation initiale, la plupart des parents rencontrés ont
à cœur d'écouter leurs enfants, de les prendre au sérieux.
Et l'on remarque, avec chaque nouvelle famille, que les
enfants qui osent exprimer leur mal-être à l’école en demandant de ne plus y
aller, ont des parents qui pouvaient entendre et accepter cette
demande : qui n'ont pas laissé pleurer leur bébé, qui ont allaité
longtemps, qui ont eu tendance à vouloir éviter les objets que la société de
consommation place entre l'enfant et le parent, qui réfléchissent pour éviter
la violence éducative ordinaire.
Il y a d’autres
convergences socio-économiques : une assez grande proportion de parents travaillent à leur compte ou dans une petite structure,
nombre sont artistes/artisans, intellectuels ou autodidactes.
Beaucoup font confiance à "la vie". Pour
moi c'est toute une confiance de base que je fais à mon enfant lorsque je ne
fais pas descendre sa température en cas de fièvre, lorsque je laisse mon
enfant de 18 mois grignoter une amande ou grimper sur une chaise. Je peux
partager ces réflexions avec les autres parents.
Vous êtes quand même leur
seule référence d’adulte, c’est dommageable pour elles de ne pas se frotter à
d’autres façons d’être et de voir les choses que les vôtres.
Claudia - C’est négliger les autres membres de la famille, les
parents des copains, les personnes responsables des ateliers et activités où
nous nous rendons régulièrement. Mes filles ont beaucoup d'adultes
"référents" autres que moi...
Vous
organisez des réunions pédagogiques entre parents ?
Claudia - Même si j'aime partager les ressources et réflexions
sur les apprentissages, je suis opposée aux rencontres purement pédagogiques.
J'ai participé à trois ou quatre réunions pédagogiques et ce n'est que plus
tard que j'ai mis des mots sur mon malaise d'alors. On en sort perplexe en
ayant l'impression d'être en dessous de tout, en ayant pris la bonne
résolution d'aller acheter/photocopier/télécharger toutes ces merveilleuses
méthodes ; on risque ensuite d’en vouloir à ses enfants s’ils se montrent peu
intéressés par ce qu'on propose. On en arrive à voir davantage les mérites
des autres enfants plus performants, au détriment des qualités des
nôtres (nécessairement moins visibles puisqu'on y est habitué). En
bref, le risque est de nous éloigner de l'écoute de notre enfant,
de l'ajustement fin en famille.
D'ailleurs, la tentation de la comparaison
existe même pour des activités non-scolaires, si son enfant découpe
"mal", ne sait pas nager ou ne fait pas encore de vélo sans petites
roulettes. C'est un long travail d'être sans attente et toujours du
côté de son enfant. C'est important aussi de se choisir un entourage
non-toxique, non-comparateur, avec lequel on va pouvoir parler en toute
confiance.
LA NON-SCOLARISATION DANS
L'HISTOIRE…
Vous
êtes très prosélyte !
Claudia - Mon prosélytisme (informer que l'école n'est pas
obligatoire et qu'on n'est pas obligé de suivre le programme scolaire dans
l'ordre) n'a d'égal que la propagande en faveur de l'école : manuels
d'éducation civique qui affirment que l'école est obligatoire (le fait que ce
soit l'instruction qui le soit est écrit en tout petit), efforts de tout le
monde (famille, commerçants, magasines) en septembre pour exagérément faire
miroiter toutes les choses merveilleuses que les enfants trouveront à
l'école, remarques désagréables que font les ex-petits camarades des enfants
déscolarisés ("toi tu es débile car tu ne vas pas à l'école ; et tu
seras balayeur") où l'on sent tout le pauvre discours social
destiné à faire accepter cet enchaînement aux enfants.
Une majorité d'enfants préfèrerait ne pas aller à l'école : on le voit
lorsqu'un enfant en souffrance est retiré de l'école ; le plus souvent les
frères et sœurs qui a priori y étaient adaptés veulent eux aussi en sortir.
Je souhaite diffuser l'information que c'est possible et légal pour toutes
les familles qui pourraient être intéressées. Ma motivation première, ce sont
les enfants en souffrance qui pourraient vivre mieux en n'allant pas à l'école.
Mais
quand même, heureusement que l'école existe dans les pays pauvres/ a existé
chez nous, sinon vous ne pourriez pas écrire tout ce que
vous êtes en train d’exprimer !
Claudia - On s'adapte aux savoirs ambiants de la société. Dans
une société imprégnée d'écrit et de chiffres, on apprend à lire écrire
compter.
La motivation de la
mise en place des lois scolaires dans les années 1880 par Jules Ferry est
surtout patriotique. La création d'un service public "obligatoire"
s'est accompagnée d'une redéfinition des programmes scolaires. Ont été mis en
avant de nouveaux cours de géographie destinés à faire connaître aux petits
Français leur beau pays qu'ils auraient à défendre pour récupérer
l'Alsace-Moselle perdue en 1871, la victoire prussienne ayant été perçue
comme celle des instituteurs prussiens. La géographie permettait aussi de
faire connaître aux élèves le vaste monde en train d'être colonisé, où allait
pouvoir s'exercer la "mission civilisatrice de l'homme blanc".
Ferry a été un colonialiste convaincu.
La motivation
n’était pas seulement de permettre à tous les petits Français de savoir lire.
Les Français savaient lire depuis Guizot qui avait généralisé dans les années
1820 la création d'écoles mutuelles dans chaque paroisse (cf. Anne Querrien, L'école
mutuelle. Une pédagogie trop efficace ?,
2005).
En France l'école
s'est construite contre
les parents perçus comme trop religieux, trop paysans, trop provinciaux : la
tape de la règle sur les doigts si l'on parlait patois n'est pas une légende.
Mais cela va au-delà des coups physiques, l'école a mis en place tout un
conditionnement destiné à mépriser les savoirs vernaculaires. Les parents
présentés comme incompétents ont fini par se désinvestir des apprentissages
de leurs enfants et à s'en remettre entièrement à l'Education Nationale.
Dans les pays dits
"pauvres" (il y aurait tout un livre à écrire sur la conception
monétaire néo-colonialiste de la "richesse" et de la
"pauvreté"), l'école fait partie de l'acculturation imposée à une
société sommée (par la colonisation de l'imaginaire, pour reprendre le
titre d'un livre de Serge Latouche) d'adopter les valeurs occidentales.
Le but a été aussi d'habituer les enfants à
devenir de bons petits soldats du salariat, dans les usines à la fin du 19è
siècle, dans les bureaux aujourd'hui. Comme le dit Jean-Pierre Lepri (Silence n°382, septembre 2010) :
"[La] fonction [de l'école] est donc notamment d'entraîner au temps
contraint et soumis à d'autres que soi, des paysans maîtres de leur temps et
de la compréhension de celui-ci."
Fredy - Il a
fallu des gens sachant lire écrire compter pour qu’une école soit possible.
Le savoir précède l’école, et pas l’école le savoir.
L'instruction
en famille est quand même une solution de riches
Claudia - Oui, les riches en temps libre et en temps non minuté,
les riches en réflexion sur eux-mêmes pour faire confiance en leurs enfants,
mais pas forcément les riches en argent ou en diplômes.
L'instruction
en famille ne risque t’elle pas de devenir un
"réel problème pour notre République" ?
Claudia - Je trouve que c'est faire bien peu confiance à la République,
et aux parents. Les parents qui prennent en main l'accompagnement des
apprentissages de leurs enfants entrent dans une dynamique de recherche
personnelle, de partage avec d'autres parents. Cette dynamique retisse
du lien et accroît les échanges entre les gens.
A moins que l'on considère que l'apprentissage
de la soumission serve la République…
Cela
dit, on ne peut pas être sûr de la bienveillance des parents qui ne
scolarisent pas, heureusement qu'il existe le contrôle social
Claudia - Sauf cas pathologique, les parents maltraitants ne
garderont pas leurs enfants à la maison. Les parents maltraitants ne veulent
probablement pas l'être mais leurs enfants les insupportent alors ils font en
sorte qu'ils soient éloignés le plus possible d'eux-mêmes, à l'école
notamment.
La présence des
enfants à la maison avec lesquels il faut bien s'ajuster pour vivre
agréablement met en mouvement réflexions et échanges, qui sont profitables
pour tout le monde. Comment peut-on parvenir à des relations épanouissantes, ressourçantes en famille si l'on en est éloigné 9 heures
par jour et qu'on a besoin de temps pour soi le week-end?
Il faut du temps et de la réflexion sur soi pour tisser des liens avec son
entourage.
D'ailleurs, les visites à caractère social effectuées par une assistante
sociale de la mairie, obligatoire tous les deux ans, ont permis de lever la
suspicion qui a pu (artificiellement) peser en 1998 sur les familles non-scolarisantes. En se basant sur les nombreux contrôles
qui ont eu lieu depuis 1999, les récents rapports de la Miviludes répètent
: "Il faut se garder de considérer que les parents qui éduquent leurs
enfants à domicile ou les établissements privés hors contrat relèvent de la
sphère des activités de nature sectaire."
Dans presque tous les témoignages lus et entendus, la visite sociale se passe
bien. Personnellement je vois ces visites comme faisant partie de la
nécessaire information que nous nous devons de faire passer aux assistantes
sociales, qui ainsi mieux informées pourront répandre la nouvelle de la
non-obligation scolaire à des enfants en souffrance à l'école... ;-)
Cela étant dit,
cette visite sociale est humiliante dans son principe. Elle suppose a priori
que les familles non-scolarisantes pourraient être
maltraitantes, alors que c'est justement dans ce milieu que j'ai rencontré
tant de parents en réflexion pour bientraiter leurs
enfants, y compris pour éviter la violence ordinaire admise par presque tout
le monde (cf. OVEO, Alice Miller, TCS).
Fredy - J'aimerais
savoir au nom de quoi les uns surveillent les autres. Dans l'histoire, chaque
fois qu'il y a eu surveillance, cela s'est mal terminé. La discrimination par
rapport aux familles scolarisantes est fâcheuse,
cette surveillance est intolérable.
Pour
faire ce choix original, est-ce que votre origine étrangère a joué un
rôle ?
Claudia - Je pense effectivement qu'on prend
davantage de recul lorsqu'on a été en contact avec plusieurs façons de voir
les choses. Fredy a fréquenté le lycée français de Téhéran où il a suivi en
même temps le cursus iranien et le cursus français : il avait donc un
enseignant de maths français (avec le programme français) et un iranien (avec
une approche différente). Il a commencé à percevoir que le même sujet pouvait
être traité très différemment puisque ce n'est pas la réponse qui compte mais
le chemin pour y arriver.
D'autre part,
l'école finissait à 13h et il avait tout l'après-midi de libre pour vaquer à
ses explorations et expérimentations scientifiques. Il a la sensation d'avoir
beaucoup appris ainsi. Ce qu'il abordait en classe était souvent une
valorisation de ce qu'il avait déjà exploré tout seul. Concernant les autres
matières, il a l'impression que le système d'humiliation scolaire n’a fait
que retarder leur découverte, bien plus tard.
Mes origines
étrangères ont eu un rôle dans le fait que les mères allemandes sont
réticentes à travailler lorsqu'elles ont de jeunes enfants. En France le
féminisme à la française fait croire aux femmes que leur liberté passe par
l’imitation du carriérisme des hommes. Je pense que c'est au détriment de
leur connexion à elles-mêmes et à leurs enfants mais ce point de vue n'est
guère audible (je l'ai lu une fois dans Regard conscient sous la plume de Sylvie
Vermeulen ; voir aussi ma réaction au livre d'E.
Badinter). Je ne suis évidemment pas
hostile au travail des femmes, je travaille moi aussi, mais il y a un temps
pour tout.
Y a-t-il des livres que vous recommandez de lire?
Les piliers
Ivan Illich, Deschooling society (Une société sans
école), 1971.
Christiane Rochefort, Les enfants d'abord, entre 1975 et 1983.
John Holt, Les apprentissages autonomes, Comment les enfants
s'instruisent sans enseignement, traduction de Learning all the time,
1990, l'Instant présent (2011).
John Holt, Apprendre sans l'école, des ressources pour agir et
s'instruire, traduction de Instead of
education 1976, l'Instant Présent (2012).
John Holt, Comment l’enfant échoue (traduction de How
children fail), 1964, l'Instant
présent (2019).
John Holt, Comment l’enfant apprend (traduction de How
children learn), 1967, l'Instant
présent (2019).
Catherine Baker, Insoumission à l'école obligatoire, 1985
(disponible sur indymedia, sur tahin-party).
Catherine Baker, Les cahiers au feu, 1988, Barrault.
Les
livres récents
Collectif, Apprentissage auto-géré et instruction à la maison : une
perspective européenne, sous la direction de Leslie Safran Barson, diffusé par Les enfants d'abord (voir Learning unlimited)
Sylvie Martin-Rodriguez, Les 10 plus gros mensonges sur l'école à
la maison, Dangles (Fnac).
Marlène Martin, J’apprends à lire en dix minutes par jour, l'Instant présent.
Jean-Pierre Lepri, La fin de l'éducation ? Commencements..., Myriadis.
André Stern, ... Et je ne suis jamais allé à l'école,
Actes Sud.
Charlotte Dien, Instruire
en famille, Rue de l'Echiquier.
Alan Thomas et Harriet Pattison, A l'école de la vie, les
apprentissages informels sous le regard des sciences de l'éducation,
traduction de How children learn at home, l'Instant Présent.
Christine Brabant, L'école à la maison au Québec: Un projet familial, social et
démocratique.
Léandre Bergeron, Comme des invitées de
marque, Myriadis.
Doriane
Koscinski et Anne De
Oliveira, L’enquête de la mairie, lorsque les enfants s'instruisent hors école, l'Instant Présent.
Bernard Collot, Chroniques
d'une école du 3e type, l'Instant Présent
Bernard Collot, L’école du 3e
type, explorer un autre paradigme avec les enfants, l’Instant Présent. Bernard Collot parle
d'une école où l'apprentissage autonome a été validé par des générations
d'élèves.
Thierry Pardo, Une éducation sans école, Ecosociété.
Thierry Pardo, Bernard Collot,
Entre autres, les chemins des adultes
pour libérer les enfants, l’Instant Présent.
Thierry Pardo, Au nom du pire, Le
Hêtre Myriadis, 2020
Pam Laricchia, Libre d'apprendre: Cinq idées pour vivre le
unschooling dans la joie.
Jean-Pierre Lepri, 'Education'
authentique, pourquoi ?, Myriadis.
Isa Lise, L'école à la maison, des pistes pour apprendre
autrement, l'Instant
Présent
Isa Lise, Faire
l'école à la maison, des pistes pour apprendre autrement, Eyrolles
Mélissa Plavis, Apprendre par
soi-même, avec les autres, dans le monde, l'expérience du unschooling, Myriadis.
Bernadette Nozarian, Apprendre sans aller à l'école, Nathan
Des
sites et études en ligne
Nicole Terrillon,
"L'instruction dans la famille comme alternat ive à l'école, sa place
entre norme juridique et norme sociale".
Des
films et vidéos
Etre et devenir, film
de Clara Bellar
Jean-Pierre
Lepri, 2010, voir aussi son site www.education-authentique.org
Articles
Le Monde - Article de
Martine Laronche publié le 17.9.2009.
Le Point -
Article de Marie-Sandrine Sgherri paru le
24.1.2008.
Télérama
- Article de Lorraine Rossignol, 01.6.2013
Différents articles
de François Begaudeau, dont on peut voir une
partie de l'intervention au cinéma
Saint-André des Arts le 17.01.2016, suite à la projection de Etre et devenir.
Claudia Renau, août
2007
un peu complété de temps en temps
Voir aussi : Ces familles qui choisissent
de vivre sans école.
Comment
sait-on que les apprentissages autonomes sont efficaces ?
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